Prédication du 12 janvier 2025 - Ecclésiaste 3.1-15 - Un temps pour… quoi faire ? Discerner et choisir avec Dieu
Il me semble qu’en ce début d’année 2025, nous avons particulièrement besoin… de sagesse !
Ca tombe bien : nous commençons aujourd'hui une série de prédications sur les livres de sagesse que contient la Bible.
Ces textes
de sagesse – le livre des Proverbes, l’Ecclesiaste, le Cantique des cantiques,
Esther… - sont souvent mal connus dans nos Eglises.
Commençons pour les deux dimanches qui viennent par l’Ecclésiaste.
présente une réflexion sur le sens de la vie humaine, souvent absurde : "Vanité des vanités, tout est vanité." Avec en particulier une méditation sur le temps, dans un passage que l'on cite souvent mais pas forcément de façon pertinente, et qui commence par : « il y a un temps pour tout... »
Ce passage fait
écho à ce que nous avons partagé dimanche dernier.
Écoutons-le.
Ecclésiaste
3.1-15
1Il
y a un moment pour tout, un temps pour chaque chose sous le ciel :
2un
temps pour mettre au monde et un temps pour mourir ;
un temps pour
planter et un temps pour arracher ce qui a été planté ;
3un
temps pour tuer et un temps pour guérir ;
un temps pour
démolir et un temps pour bâtir ;
4un
temps pour pleurer et un temps pour rire ;
un temps pour
se lamenter et un temps pour danser ;
5un
temps pour jeter des pierres et un temps pour ramasser des pierres ;
un temps pour
étreindre et un temps pour s'éloigner de l'étreinte ;
6un
temps pour chercher et un temps pour perdre ;
un temps pour
garder et un temps pour jeter ;
7un
temps pour déchirer et un temps pour coudre ;
un temps pour
se taire et un temps pour parler ;
8un
temps pour aimer et un temps pour détester ;
un temps de
guerre et un temps de paix.
9Quel
avantage le travailleur retire-t-il de son travail ? 10J'ai
vu l'occupation que Dieu impose aux humains. 11Tout ce qu'il a
fait est beau en son temps ; aussi il a mis la durée dans leur cœur, sans
que l'être humain puisse trouver l'œuvre que Dieu a faite depuis le
commencement jusqu'à la fin. 12Je le sais :
Il n'y a rien
de bon pour lui,
sinon de se
réjouir et de faire son bonheur pendant sa vie ;
13et
aussi que, pour chacun, manger, boire et voir le bonheur dans tout son travail
est un don de Dieu.
14Je
sais que tout ce que Dieu fait est pour toujours :
Il n'y a rien à
y ajouter et rien à en retrancher.
Dieu fait en
sorte qu'on le craigne.
15Ce
qui est a déjà été, et ce qui sera a déjà été,
Dieu va à la
recherche de ce qui a fui.
« Il y a un temps pour tout »…
c’est-à-dire ?
« Il y a un temps pour tout » :
voilà une expression qu’on utilise souvent, pour dire… quoi, en fait ? La
résignation surtout : « Eh oui, ma brave dame, il y a un
temps pour tout, on est plus si jeune, tout change que voulez-vous ».
Si c’est ça le message de l’Ecclésiaste,
ça ne va pas très loin.
En réalité, l’examen des termes
hébreux, notamment dans le v.1 montre un sens bien plus riche.
« Il y a un moment et
un temps pour toute chose sous le ciel »
Un temps et
un moment : les deux mots ne sont pas synonymes. Le premier désigne
une période dans le temps qui défile, le temps des horloges, mais l’autre
exprime le moment opportun pour faire quelque chose. Le bon
moment, à l’échelle humaine.
Et c’est de
cela que parle l’Ecclesiaste ici : des occasions à saisir ou pas, des
choix à faire, des actes à poser : est-ce le moment de planter, ou
d’arracher ? D’embrasser, ou de quitter ?
C’est la
question du choix, du discernement de ce qu’il est sage de faire aujourd’hui,
qui est au cœur du passage.
Justement, la sagesse dans la
Bible c’est l’art de faire des choix ajustés, des choix pertinents. C’est
tout le sens du le livre des Proverbes, qui donne des repères pour bien agir,
choisir la bonne route.
Cette sagesse est très
pratique, et elle implique donc un discernement – c’est-à-dire un
processus de réflexion qui permette de déterminer quoi faire quand, quel chemin
prendre pour être le plus en phase possible avec la volonté de Dieu – afin de
le réjouir, et d’être heureux soi-même !
En somme, l’Ecclésiaste fait un
constat à plusieurs dimensions :
Tout
arrive, tout est possible…
D’abord, le
constat que tout est possible, que tout arrive dans un monde de contraires.
C’est le sens des versets 1 à 8 avec leur liste de sept doubles, qui
symbolisent la totalité de ce qui arriver à un humain : naissance et
mort, paix et guerre, silence et parole. Tout arrive, et il n'y a pas
forcément de sens visible aux choses, notamment de sens moral,
contrairement à ce qu’on se dit spontanément : une épreuve ou une réussite ne
sont pas forcément liés à une faute contre Dieu par exemple... Cela arrive,
tout simplement, et seul Dieu sait pourquoi. La mort et la naissance, la
réussite et l’échec, la paix et la guerre font partie de ce monde marqué par le
péché dans lequel nous vivons aujourd'hui. Ce sera différent dans le Royaume de
Dieu mais pour l'instant nous vivons dans ce monde-là, avec ces réalités-là.
Certaines choses sont bonnes à un moment et
mauvaises à un autre…
Deuxième
constat : une même action peut être bonne à un moment et mauvaise à un
autre. Parfois démolir, c’est bien, d’autres fois… non ! L’Ecclesiaste
constate que c’est souvent une question de moment, favorable ou non, plus que
de valeur absolue – construire serait toujours mieux que détruire. Il y a des
moments où il faut dire non, d’autres oui… C’est particulièrement vrai dans
la vie relationnelle, surtout la vie de couple : « il y a un
temps pour étreindre et un temps pour s’éloigner de l’étreinte ». On ne
peut pas dire de façon absolue que se séparer soit toujours bon ou
mauvais. Parfois c’est un choix nécessaire – dans les cas de violence par
exemple. D’autres fois, ce n’est pas une bonne décision…
Je disais que
l’Ecclesiaste nous bouscule ! Car il remet en question certaines
visions simplistes de la vie, de la morale, que l’on peut avoir en tant que
chrétien.
Seul Dieu connait le sens de l’ensemble, le tracé
de son plan
A nous d’assumer nos responsabilités à notre niveau
En même temps,
l’Ecclésiaste ne sous-entend pas qu’on peut faire n’importe quoi ! Au
contraire, puisqu’aux versets 9 à 15, il insiste sur le fait que seul Dieu
est le parfait maitre d’œuvre des choses, que « tout ce qu’il fait est
pour toujours : il n’y a rien à y ajouter et rien à y retrancher… ».
Mais ce Dieu a
trouvé bon de « mettre la durée » dans « notre cœur », « sans
que l'être humain puisse trouver l'œuvre que Dieu a faite depuis le
commencement jusqu'à la fin ». L’Ecclésiaste résume ici ce qui est
particulier dans notre condition d’humain : contrairement aux
animaux, nous sommes conscients de notre vie et de notre mort, capables de
choix réfléchis et responsables, au-delà du simple instinct… et en même
temps, nous devons faire ces choix sans être Dieu, sans avoir une vue
complète sur les choses.
Nous devons
essayer de vivre en accord avec la volonté parfaite de Dieu… alors que nous
vivons les choses de façon fragmentaire, un temps après l’autre, quand Dieu lui
voit l’ensemble. Pas simple !
Ca peut même
être angoissant, n’est-ce pas ? La peur de passer à côté de sa vie… De
rater les occasions. On parle aujourd’hui du syndrome FOMO – « Fear of
missing out » - l’angoisse de passer à côté d’une bonne occasion. Je vais
à cette soirée, mais peut-être qu’il y a un autre événement bien mieux ailleurs ?!!
J’ai
l’impression que certains chrétiens fuient cette angoisse du choix en attendant
que Dieu les téléguide – qu’il leur balise toute la route avec des
« signes » et des convictions clairs qui évacuent pour eux tout
doute, tout risque, toute responsabilité personnelle…
Au contraire !
La présence du Saint Esprit restaure en nous la capacité à choisir plus
librement et plus en accord avec Dieu, mais n’enlève pas le vertige du choix
qui fait partie de notre liberté.
Sans liberté,
pas d’amour – et Dieu veut que nous le choisissions librement par amour.
Mais parce
qu’il nous aime, justement, il ne nous laisse pas seul, et en Christ nous
accorde quelque chose que l’Ecclésiaste n’avait pas : son Esprit
habitant en nous en tout temps, pour nous éclairer et nous guider.
Le principe clé
de la sagesse divine, ici, c’est donc d’apprendre à écouter ce que Dieu nous
dit.
Ecouter Dieu :
nous aborderons ce sujet plus en détails dans quelques semaines, avec une
série sur l’écoute et sans doute des ateliers pour écouter Dieu dans la
prière.
Enonçons
déjà quelques repères issus de la tradition chrétienne pour discerner et faire
des choix.
Cela concerne
bien sûr plutôt les choix importants, ceux qui ont un impact majeur sur
nous-mêmes et notre entourage.
1.
Faire du vide ! Mettre du temps à
part, faire taire les écrans, les to do list… Faire taire nos questions pour
mieux ouvrir nos oreilles… Dieu seul sait ! Mettons nous à son écoute,
dans la prière : Seigneur, guide-moi.
2.
Ecouter la Parole de Dieu : nos choix
reflètent-ils ses principes ? Quelle option est-elle le plus cohérente avec une
vie de disciple ? Choisir ceci va-t-il me rapprocher de Dieu ou m’en
éloigner ? Produire plus de vie, de paix, d’amour… ou pas ?
3.
Ecouter l’avis des sages : consulter des
personnes de confiance.
4. Ecouter
notre cœur : Quels sentiments dominent : la peur
? la paix ? la joie ? la paresse ? de l’inquiétude ? du courage ? un élan…
Qu’est-ce qui revient plus fort et plus constamment ? le désir de dire « oui »
? de dire « non » ? Analyser ce qui attire, ce qui révulse…
5. Ecouter
les circonstances : analyser logiquement. Poser le pour et le contre.
« Ne soyez pas comme un cheval ou un mulet sans intelligence ! »
(Ps. 32.9) Utilisons le cerveau que Dieu nous a donné.
6. A
la lumière de tout cela, poser une décision et la remettre à Dieu dans la
prière : « Seigneur, aujourd’hui, dans le temps et le moment qui
sont les miens, il me semble que la direction la plus en accord avec toi est…
Je te la remets et je vais faire un pas dans ce sens. Conduis-moi, dirige-moi, redresse-moi
si besoin… et surtout, garde-moi près de toi ». Faire un pas en
avant… et recommencer !
La
meilleure façon de discerner, c’est encore la nôtre, c’est de mettre un pied
devant l’autre, et de recommencer 😊
Vivre nos temps et nos moments pas à pas avec le
Seigneur
L’une des
grandes questions, au final, est peut-être : dans ce qui se présente à
moi, qu’est-ce qui semble donner à Dieu, à la vie de Dieu, à son amour… le plus
d’occasions de se manifester ? Qu’est-ce qui semble se rapprocher le plus
de la vie d’amour, de pardon, de pardon que le Christ a montrée ?
Il n’y aura pas
toujours de réponse claire, mais « le seul simple fait de se poser ces
questions, d’y réfléchir en cherchant à y voir clair, ouvre en nous un espace
intérieur pour la vie du Christ et l’action créatrice de Dieu. Dans la mesure
où nous nous ouvrons avec honnêteté et sincérité, nous sommes déjà un peu plus
au diapason de Dieu. Et même si nous commettons une erreur, nous aurons fait
notre possible pour laisser la porte ouverte à Dieu »[1],
le maître des temps et des moments, et ainsi nous aurons un peu avancé avec
lui.
C’est bien cela
sans doute le plus important : marcher avec Dieu. Vivre tout ce qui se
présente avec lui, pas à pas, à son écoute, dans la confiance.
Je vous propose
de finir en écoutant une prière qui résonne bien avec le passage que nous
venons de méditer.
Seigneur,
j’ai le temps…
Toi qui es hors du temps, Tu souris, Seigneur, de nous voir
nous battre avec lui,
Et tu sais ce que tu fais.
Tu ne te trompes pas lorsque tu distribues le temps aux
hommes,
Tu donnes à chacun le temps de faire ce que tu veux qu’il
fasse.
Mais il ne faut pas perdre du temps,
Gaspiller du temps,
Tuer le temps,
Car le temps est un cadeau que tu nous fais,
Mais un cadeau périssable,
Un cadeau qui ne se conserve pas.
Seigneur, j’ai le temps,
J’ai tout mon temps à moi,
Tout le temps que tu me donnes,
Les années de ma vie,
Les journées de mes années,
Les heures de mes journées,
Elles sont toutes à moi.
A moi de les remplir, tranquillement, calmement
Mais de les remplir toutes entières, jusqu’au bord,
Pour te les offrir, et que de leur eau fade
Tu fasses un vin précieux, comme jadis à Cana tu fis pour
les noces humaines.
Je ne te demande pas ce soir, Seigneur, le temps de faire
ceci, et puis encore cela,
Je te demande la grâce de faire consciencieusement,
Dans le temps que tu me donnes, ce que tu veux que je fasse.
Michel Quoist
Fiche repère :
Devant Dieu, et avec lui discerner
et se décider1
1 extrait de : Isabelle Parmentier, Appelés ? Quand le désir de Dieu rejoint le désir de l’homme, éd. Vie Chrétienne
1. Commencer en posant bien la question de manière concrète et réaliste.
Faire ceci ou faire cela … ? S’engager
ou ne pas s’engager ? La question
doit être simple,
posée sous la forme d’une alternative. Entre un bien et un autre bien, l’hésitation est légitime : on se dispose
à renoncer à l’idéal pour rechercher la solution la meilleure possible.
Attitude spirituelle : Disponibilité. Humilité. Renoncement à la toute puissance. On ne fera pas tout.
2. Offrir à Dieu sa question et le prier de nous donner sa lumière.
Attitude spirituelle : Demander
à Dieu la liberté intérieure pour ne pas pencher d’avance vers une solution plus que vers une autre.
Etre prêts à se laisser
« déplacer ».
3. Rassembler les données
Toutes les données
objectives : faisabilité, temps, argent, lieux, déplacement, contexte, personnes,
équipes, etc. Consulter
les documents, prendre
conseil, aller voir… Ne rien trier encore,
tout voir.
Attitude spirituelle : suspension du jugement. Curiosité, ouverture d’esprit, honnêteté
4. Classer les arguments et les peser
Faire un tableau
à 4 entrées sur deux colonnes. Attention : la quantité des arguments ne vaut pas autant que leur poids.
Distinguer l’importance de chacun. Si au terme
de l’observation, les deux
solutions pèsent le même poids,
prendre en compte
trois critères supplémentaires :
1. Quelle solution paraît la plus universelle ?
2. Laquelle est la plus durable ? c’est à dire la plus féconde à long terme.
3. Eventuellement pour départager : laquelle est la plus urgente ?
Attitude spirituelle : confiance en la raison, se fier à son intelligence, l’exercer sans réticence.
|
Solution 1 |
Solution 2 |
Avantages et profits |
|
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Inconvénients et
dangers |
|
|
5. Rentrer en soi même et être attentif à ce que l’Esprit nous suggère, nous inspire.
C’est à dire observer
au fil du temps les mouvements intérieurs causés par le discernement. Quels sentiments dominent
: la peur ? la paix ? la joie ? la paresse ? de l’inquiétude ? du courage
? un élan…
Qu’est-ce
qui revient plus fort et plus constamment ? le désir de dire « oui » ? de dire « non » ? Analyser
ce qui attire, ce qui révulse…
Attitude spirituelle : descendre
au fond de soi, consentir à voir avec les yeux du coeur. Se laisser faire intérieurement, être présent à soi et à Dieu dans la confiance.
6. Reprendre l’ensemble de la démarche depuis le début et se poser trois questions :
1. Quel sens a pour moi la mission proposée
: est-ce que ça vaut le coup ?
2. Si oui, se
poser la
question suivante
: est-ce
que j’ai
la force
et les
compétences nécessaires ?
3. Si non, passer
à la
3e question
: «
est-ce que
ce projet
rejoint mon
désir intérieur profond
» ?
Attitude spirituelle : liberté intérieure, lucidité, courage tranquille.
7. Devant Dieu, trancher. Offrir sa décision dans la prière.
En principe,
la décision se fait en nous et tombe comme un fruit mûr. La recevoir et non la prendre à la force
du poignet. Se sentir plus vivant, ajusté
à la vie en soi. Tout est de Dieu : la prière se fait
reconnaissance de l’Alliance indéfectible entre Dieu et nous par Jésus-Christ.
Attitude spirituelle : action de grâce. Disposition de foi, d’espérance et d’amour.
8. Vivre et attendre la confirmation de sa décision.
Le don de Dieu est maintenant
une tâche à accomplir. La confirmation sera souvent intérieure : paix, joie, énergie
dans l’action, désir d’entreprendre, coeur allègre ! On est dynamisé, unifié.
Dieu est respecté, les autres aussi
et soi-même. Les événements confirment cela.
Dans le cas contraire, tenir bon, la vie continue. Si nous nous sommes trompés, Dieu reste présent et ne nous abandonne pas, il nous rejoint jusque dans nos erreurs. Fidèle, il voudra toujours transformer
nos faux pas en expérience de croissance et glorifier son Nom.
Attitude spirituelle : glorifier
le Père par des fruits de notre action. Demeurer humblement dans la fidélité
de Dieu qui porte tous nos choix qu’il arrive.
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