Semaine de l’unité - Célébration œcuménique - Jeudi 23 janvier 25 - la foi, un doute surmonté
Méditation de l’Évangile : Jean 20,24-29
Cependant Thomas, l’un
des Douze, celui qu’on appelle
Didyme, n’était pas avec eux lorsque Jésus vint. Les autres disciples lui dirent donc : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur répondit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je n’enfonce pas mon doigt à la place des clous et si je n’enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirai pas ! » Or huit jours plus tard, les disciples étaient à nouveau réunis dans la maison, et
Thomas était avec eux. Jésus vint, toutes portes verrouillées, il se tint au milieu d’eux et leur dit : « La paix soit avec vous. » Ensuite
il dit à Thomas :
« Avance ton doigt ici et regarde
mes mains ; avance ta main et enfonce-la dans mon côté, cesse
d’être incrédule et deviens un homme de foi
». Thomas lui répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu as cru ; bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont
cru ».
En cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens autour du
Symbole de Nicée, nous sommes invités à confesser, ensemble, notre foi :
« je crois… ».
On peut être surpris, dans cet élan commun d’affirmation de notre
foi, que ce soit la figure de Thomas qui soit invoquée ; Thomas
qui est associé pour la postérité au doute, devenu l’exemple type du
vilain incroyant…
Pourquoi l’inviter ici dans ce contexte ?
Peut-être parce que son exemple, en réalité, est extrêmement encourageant pour nous, pour notre foi, en ce qu’il nous parle d’une foi hésitante, comme l’est souvent la nôtre, mais une foi sincère et vivante.
Quelqu’un a dit que la foi est un doute surmonté. Je crois
que cela exprime bien le parcours de Thomas ici, du doute à la confession de
foi : « Mon Seigneur et mon Dieu » !
Un doute surmonté.
Oui, Thomas croit… et pourtant il doute. L’un et l’autre ne
s’excluent pas, ils sont en tension, en dialogue.
Thomas doute… Mais il cherche à surmonter ce doute, il veut croire !
Reconsidérons un peu son cas, si vous le voulez bien.
Il doute d’abord parce que croire, c’est tout sauf évident ! Croire que le Christ est Fils de Dieu, qu’il est mort et ressuscité… l’apôtre Paul dit bien que c’est une « folie », d’un point de vue humain. On est en droit de s’interroger.
Ensuite, ne méprisons pas le chemin de foi déjà très riche que Thomas a derrière lui : il a laissé toute sa vie, son métier, sa famille, son pays… pour suivre Jésus sans savoir où il allait … jusqu’à ce que la mort incompréhensible de son maître le laisse désemparé, comme les autres disciples.
Ne méprisons pas non plus les qualités humaines de Thomas : les Evangiles montrent que c’est un homme pratique, plein de bon sens. Mais déjà que la perte de Jésus est dure à vivre, rien d’étonnant qu’il ait du mal à accepter sans rien dire ce que lui disent les autres : « nous avons vu le Seigneur ».
Ce n’est pas qu’il remette en question la possibilité de cette
résurrection : il était là quand Jésus a rendu la vie à Lazare, il a
déjà vu et touché un ressuscité – ce dont peu d’entre nous peuvent se vanter !
… Il ne doute donc pas que Jésus ait pu ressusciter. Ce n’est pas un doute de
principe.
Mais alors, que se passe-t‘il pour lui ?
Peut-être que le doute de Thomas ici est l’expression d’une foi blessée, inquiète, comme peut l’être la nôtre parfois.
Mettons-nous à sa place : Jésus est apparu aux autres
disciples sans attendre que Thomas soit là. Qu’aurions-nous ressenti ?
Cette apparition manquée suscite en Thomas le doute suprême : celui en l’amour de Dieu pour lui. Pourquoi Jésus a-t-il accordé cette apparition aux autres et pas à moi ? Est-ce que je compte pour lui ? …
La revendication de Thomas, alors, somme comme un cri vers son Dieu : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je n’enfonce pas mon doigt à la place des clous et si je n’enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirai pas ! ».
Thomas ne cesse donc jamais de croire, c’est-à-dire d’espérer quelque chose de la part de Dieu, mais il doit lutter… et cela pendant 8 jours… et 8 jours c’est long dans son cas ! Mais il n’a pas abandonné, il est resté avec les autres disciples…
Et dans sa grâce le Christ est venu répondre à ses attentes.
Il est même revenu pour lui, seulement pour lui.
D’ailleurs, dans le récit de Jean, c’est comme si Jésus rejouait la scène depuis le début exprès pour Thomas – beau message de considération.
Aussitôt que Jésus apparaît, il s’adresse à Thomas, et en
quelque mot le rattrape, le ramène à lui.
« Avance ici ton doigt… » : c’est la réponse à sa
crainte de ne pas avoir été écouté.
C’est aussi une façon de dire : c’est ce que tu voulais ? Eh bien je viens te le donne. On ne sait pas d’ailleurs si Thomas avance effectivement son doigt, mais cette invitation lui suffit.
Et puis il y a cette remarque de Jésus : « ne deviens pas incroyant, mais crois ».
Dans certaines traductions, on trouve : « ne sois
pas incroyant ». Ça sonne comme un jugement. Mais le véritable sens
est : « ne deviens pas » : c’est une mise en garde
attentionnée.
Dans cet encouragement, Thomas perçoit l’amour de Jésus pour lui.
Alors son cœur libéré du doute laisse éclater la foi : « mon Seigneur et mon Dieu ».
Ce sont des paroles extrêmement fortes, Thomas est le premier, dans tout l’Evangile, à dire ainsi à Jésus : tu es Dieu ! Les autres ont déjà vu le Ressuscité… mais ils n’ont pas confessé sa divinité.
« Parce que tu m’as vu, tu as cru », répond alors Jésus, « heureux ceux qui croient sans avoir vu ! ».
Quel encouragement pour nous !
Ce récit nous montre d’abord que la grâce de Dieu est plus grande que nos doutes, qu’elle n’est pas liée à la qualité de notre foi mais à la profondeur de l’amour de Dieu pour chacun de nous. Comme il est venu pour Thomas, le Christ saura faire le chemin pour nous rejoindre, chacun, là où nous sommes, dans la tradition où nous cheminons… Alors gardons vivant notre désir de le voir, de le rencontrer… et il répondra !
Ensuite, il y a cette béatitude : « Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu ! » Ca veut dire qu’aucune génération ne sera défavorisée par rapport à celle des apôtres, témoins oculaires ; le témoignage des Ecritures, transmis par l’Eglise et éclairé par le St Esprit, depuis les apôtres jusqu’à aujourd’hui, est un fondement suffisant pour entrer en relation avec le Christ ressuscité, et par lui, avec Dieu le Père – et ainsi, être heureux !
Notre foi à tous repose sur ce même fondement, et nous allons célébrer cela en proclamant ensemble le symbole de Nicée (dans un instant).
En proclamant ensemble notre foi, souvenons-nous aussi que nos Eglises sont des assemblées de Thomas, à la fois hésitants… et forts, par la grâce de Dieu.
Que cela nous rende humbles les uns devant les autres, et
nous encourage à nous soutenir mutuellement dans nos chemins de foi respectifs.
Soyons les uns pour les autres des encouragements, des
stimulations, des interpellations, des soutiens…
Que notre foi commune, fragile mais sincère, manifeste le Christ ressuscité aux yeux du monde !
Amen
S. Guiton
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