Prédication du 6 juillet 2025 - Lamentations 3. 1-32 - Traverser le mur… redécouvrir Dieu.

 


 En tant que chrétiens, nous confessons que Dieu prend soin de nous, qu’il est souverain, qu’il veut notre bien et peut nous délivrer.

Pourtant, il nous arrive à tous d’en douter.

Notamment quand un mur se dresse devant nous, alors que nous roulions paisiblement sur l’autoroute de la vie.

Il y a des murs de toutes sortes. Un accident, une perte d’un proche, un licenciement, la perte d’un proche, le diagnostic d’une maladie…

Il y a aussi des murs collectifs. La température augmente, les signes que la terre va mal s’accumulent, c’est de plus en plus concret…

Dans tous les cas, le malheur dresse un mur devant nous, et nous arrête net.

Et c’est le choc. Toutes nos certitudes sur la vie et sur Dieu sont secouées.

 



Pour le peuple d’Israël, le mur se dresse lorsqu’en 586 av. JC., les troupes babyloniennes déferlent de l’horizon pour assiéger Jérusalem. Les chefs d’Israël ont décidé de se rebeller contre eux, et de ne plus payer les impôt que Babylone leur réclame. Alors le roi Nabuchodonosor lui-même, à la tête de ses troupes, vient pour les punir.

On redoutait que cela arrive. L’alliance contractée avec l’Egypte allait-elle protéger la ville sainte ? Les prophètes affirmaient que non. Il fallait plutôt renoncer aux idoles, revenir vers le Dieu vivant, compter sur lui.

Mais ils n’étaient pas écoutés.

Alors les Babyloniens sont venus. Deux ans durant, ils assiègent Jérusalem, puis la ville est entièrement détruite. On assiste à des scènes d’horreur.

Les survivants sont déportés à des centaines de kilomètres de là, à Babylone, laissant derrière eux les décombres fumants de leur ville, de leurs vies, de leurs illusions.

Le peuple d’Israël vient de se fracasser sur un mur, avec ses rêves, les promesses qu’il avait reçues de Dieu, l’avenir qu’il imaginait forcément radieux, puisque Dieu était là…

Maintenant le Temple, la maison de Dieu, est désormais en ruine, ce qui pour les juifs signifie que le contact avec Dieu est rompu.


Un homme assiste à tout cela, dans les larmes : c’est l’auteur du livre des Lamentations, peut-être le prophète Jérémie. 

Lamentations 3.1-32

1. Je suis l’homme qui a connu la misère sous les coups furieux du Seigneur.

2. Il m’a poussé devant lui, il m’a fait marcher non dans la lumière mais dans le noir.

3. C’est sur moi seul qu’il continue à porter la main tous les jours.

4. Il m’a fait dépérir de la tête aux pieds, il m’a brisé les os.

5. Il a dressé autour de moi comme un mur d’amertume et de peine.

6. Il m’a relégué dans l’obscurité comme les morts du passé.

7. Il m’a emmuré pour m’empêcher d’en sortir, il m’a chargé de chaînes.

J’ai beau crier au secours, il fait obstacle à ma prière.

8. Il m’a barré la route avec des blocs de pierre et engagé sur une fausse voie.

9. Il a été pour moi un ours en embuscade, un lion tapi dans le fourré.

10. Il m’a rendu la vie impossible, il m’a paralysé et laissé sans voix.

11. Il a tendu son arc et m’a pris pour cible.

14. Tout le monde rit de moi, tous les jours on me ridiculise.

15. Il m’a fait boire tout mon soûl d’amertume et m’a enivré de mélancolie.

16. Il m’a obligé à croquer des cailloux et m’a piétiné dans la poussière.

17. J’ai été privé d’une vie paisible, j’ai oublié ce qu’est le bonheur.

18. Je le dis : je n’ai plus d’avenir, je n’attends plus rien du Seigneur.

19. Je suis errant et humilié ; y penser est un amer poison pour moi.

20. Je n’en peux rien oublier et je reste accablé.

21. Mais voici ce que je veux me rappeler, voici ma raison d’espérer :

22. Les bontés du Seigneur ne sont pas épuisées, il n’est pas au bout de son amour.

23. Sa bonté se renouvelle chaque matin.

Que ta fidélité est grande, Seigneur.

24. Je le dis : le Seigneur est mon trésor, voilà pourquoi j’espère en lui.

25. Le Seigneur est bon pour qui compte sur lui, pour qui se tourne vers lui.

26. Il est bon d’espérer en silence la délivrance que le Seigneur enverra.

27. Il est bon pour l’homme d’avoir dû se plier à des contraintes dans sa jeunesse.

28. Qu’il s’isole en silence quand le Seigneur lui impose une épreuve !

29. Qu’il s’incline, la bouche dans la poussière, dans l’espoir que le Seigneur intervienne !

(…)

31. Car le Seigneur n’est pas de ceux qui rejettent pour toujours.

32. Même s’il fait souffrir, il reste plein d’amour, tant sa bonté est grande.

 

On aime citer les versets 22-23 : « Les bontés du Seigneur ne sont pas épuisées, il n’est pas au bout de son amour. Sa bonté se renouvelle chaque matin », mais leur véritable sens apparaît dans ce contexte : avant d’arriver à dire cela, Jérémie a dû traverser trois chapitres de « lamentations ».

 

Au final, il semble bien l’avoir traversé, le mur : il reparle d’espérance, de l’amour de Dieu.

Comment est-il passé de l’autre côté ?

On devine que cela a impliqué un long chemin intérieur, à travers le deuil, la souffrance, la plainte et le silence – un chemin douloureux mais qui a conduit à une nouvelle rencontre avec Dieu.

C’est cela, l’espérance portée par ce texte : de l’autre côté du mur, il y a Dieu,

Dieu plus qu’avant,

Dieu comme jamais.

La plainte : à cœur ouvert devant Dieu

Mais encore faut-il traverser le mur. Comme le deuil, c’est un processus dont on ne maitrise pas la durée.

Il y a d’abord la sidération. On ne peut pas y croire. Ce n’est pas possible. Ça n’arrive qu’aux autres.

Pour les Israélites, la destruction de Jérusalem est incroyable, d’où le cri qui ouvre le livre des Lamentations, un mot hébreu qui signifie : « quoi ? Comment est-ce possible ? ».

Sans doute Jérémie a dû passer lui aussi par cette stupéfaction. Et puis il a commencé une longue plainte, parce que dans la culture hébraïque, c’est par les lamentations et les larmes que passe le chemin du deuil.

Pendant trois chapitres, Jérémie se lamente sur Jérusalem, sur le peuple massacré, le pays détruit. Et il le fait à cœur ouvert devant Dieu.

Ce qui frappe dans ce passage, c’est sa violence. Sa franchise.

Si l’un d’entre nous disait ne serait-ce que la moitié des paroles de Jérémie ici, je crois qu’on serait stupéfaits, et même terrifiés. On crierait au blasphème, peut-être. On dirait : « Il perd la foi ! ».

Il y a une « langue de bois » chrétienne, qui interdit la franchise ; elle est nocive parce qu’elle nous coupe d’une relation authentique avec les autres et avec Dieu. Nous risquons de retourner nos émotions négatives contre nous-mêmes, et c’est destructeur.

Frappé par le malheur, Jérémie, lui, commence par laisser libre cours à ses émotions.

Il est en vérité devant Dieu. Qui es-tu, Seigneur ? Un sadique? Un lion ? Un assassin qui prend plaisir à tirer sur les gens ? Pourquoi nous fais-tu ça ?

En inspirant ces paroles de Jérémie, Dieu nous autorise, nous invite même à lui dire ce que nous ressentons et à l’interpeler – à lui dire même que nous sommes en colère contre lui, que nous ne le comprenons pas, que ce n’est pas juste !

 

Y a t’il une souffrance, une colère, une émotion que je n’ai pas encore osé exprimer devant Dieu ? Je prends le temps de lui dire tout ce que je ressens. Je peux me laisser porter par ce texte, ou par un Psaume , ou le livre de Job, pour le faire.

A la redécouverte de Dieu

Il y a des personnes que le malheur laisse bloqués dans une plainte sans fin.

Mais celle de Jérémie ne dure qu’un temps, et elle finit sur déboucher sur ces belles affirmations de foi des v. 21-24.

C’est étonnant, quand même, un tel changement. On passe de : « (Dieu)  a été pour moi un ours en embuscade, un lion tapi dans le fourré » à « le Seigneur est mon trésor, voilà pourquoi j’espère en lui »

Que s’est-il passé ? Jérémie ne le dit pas.

On comprend juste qu’il a traversé un temps de silence et d’écrasement qui a été « bon » pour lui au final, on devine qu’à travers ce temps de lutte et d’attente, Jérémie a traversé le mur, et qu’il a retrouvé Dieu de l’autre côté : « Car le Seigneur n’est pas de ceux qui rejettent pour toujours. Même s’il fait souffrir, il reste plein d’amour, tant sa bonté est grande ».

Etrangement, c’est comme si Jérémie avait été renouvelé dans sa foi : « les bontés de l’Eternel se renouvellent chaque matin ». Il dit même « 

« Il est bon d’espérer en silence la délivrance que le Seigneur enverra.

27. Il est bon pour l’homme d’avoir dû se plier à des contraintes dans sa jeunesse.

28. Qu’il s’isole en silence quand le Seigneur lui impose une épreuve !

29. Qu’il s’incline, la bouche dans la poussière, dans l’espoir que le Seigneur intervienne !

 

Qu’est-ce qui peut être bon dans tout ça ? 

Le contexte nous donne des indices. Notamment les prophéties qui avaient précédé la destruction de Jérusalem : face à la menace montante de Babylone, Dieu avait renouvelé ses promesses de fidélité à son peuple – « je ne vous laisserai pas tomber » –en même temps qu’il les avertissait de ne pas se détourner de lui, le Dieu vivant et bon, pour se tourner vers des idoles et compter sur leurs propres forces.

Mais ils n’ont pas écouté, ils ont fait confiance à des statues et des alliances politiques hasardeuses… et voilà le résultat.

C’est un vrai désastre… mais en effet, Dieu ne les a pas laissé tomber. Au milieu du malheur, il leur permet de redécouvrir qui il est pour eux, comme il le fait ici avec Jérémie.

Jérémie a redécouvert Dieu, voilà pourquoi il était « bon » pour lui d’être mis à terre pour un temps. Ca a été un temps nécessaire de remise en question, en particulier de remise en question de la façon dont il voyait Dieu.

 

Les idoles démasquées

Et en effet, quand le malheur nous secoue, nos images de Dieu sont secouées aussi.

Ces images que nous nous sommes faites, comme les Israélites avant nous, d’un Dieu à notre convenance, centré sur nous. Nos illusions aussi sur la vie avec Dieu, nos fausses croyances d’invulnérabilité notamment qui tout à coup, se fracassent contre le mur de la réalité.

Alors viennent le doute et la colère : qui es-tu, Dieu, toi qui me frappes comme ça ?

Es-tu cruel ? Pourquoi permets-tu cela ?

Cette colère peut être justement le symptôme d’une idolâtrie larvée. Dieu n’agit pas comme j’attendais, je trouve ça injuste et ça me met en colère… pourquoi ? Parce que je pensais qu’avec Dieu, c’était donnant/donnant – je te prie, tu me bénis ? Mais ça, c’est justement le principe du culte idolâtre.

Si mon Dieu n’agit pas comme je l’attendais… c’est certainement que ce n’était pas le vrai Dieu, mais une idole à mon service, centrée sur moi.

Le vrai Dieu, lui, échappe à notre contrôle mais c’est pour notre bien ! Il veut nous faire entrer dans une vraie relation avec lui, basée non sur une assurance de tranquillité mais sur une obéissance d’amour, une écoute d’amour, un lien de confiance… pour que nous travaillions avec lui à l’établissement de son Royaume, au-delà des souffrances.

 

Suivre Jésus-Christ à travers le mur

C’est encore et toujours dans la personne de Jésus-Christ que Dieu nous appelle à le redécouvrir.

Dans le discours de Jérémie ici, je crois discerner justement le visage de Jésus, celui qui a été frappé, maltraité.

J’entends un écho de la prophétie d’Esaïe : « Il a subi notre punition, et nous sommes acquittés ; et par les coups qu'il a reçus, nous sommes guéris. 6Nous errions tous çà et là comme un troupeau éparpillé, c'était chacun pour soi. Mais le Seigneur lui a fait subir les conséquences de nos fautes à tous » (Esaïe 53.5-6).

Regarder le Christ nous permet de redécouvrir que Dieu n’est pas un être tyrannique, injuste et cruel… mais qu’il nous aime tellement qu’il est venu lui-même souffrir pour nous libérer de la souffrance, mourir pour nous libérer de la mort.

Lui aussi a été frappé, mais il a traversé le mur de la mort, et il y a maintenant un passage ouvert pour nous à travers les ténèbres, un passage que rien ne peut refermer et qui nous conduit vers l’intimité du Père, là où toutes nos larmes seront essuyées par Jésus, quand il reviendra.

Alors quand l’épreuve nous frappe, qu’un mur se dresse soudain devant nous… crions vers le Christ. Il sera là pour le traverser avec nous.

En lisant ce passage, j’ai pensé à ce couple qui avait vécu la perte d’un enfant et qui me disait que dans ce drame, ils ne pouvaient plus parler, mais ils s’étaient accrochés à Dieu comme à une bouée. Une seule chose les tenait : si on lâche Dieu, on est perdus.

Accrochons-nous à lui comme à une bouée, en attendant qu’il vienne à notre secours.  

Car oui, « ses bontés ne sont pas épuisées, il n’est pas au bout de son amour, sa bonté se renouvelle chaque matin ».

Amen

 

 

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