Culte du 31 août 2025 - Accueillir l'étranger au nom du Christ - Matthieu 25. 31-46
L’homme lève la tête et regarde
derrière lui. Jusqu’à l’horizon, le désert s’étend, immense, implacable. Un
désert de pierres et de larmes, tant de jours de marche difficile, avancer la
nuit, se mettre à l’abri le jour. Plusieurs fois ils ont failli y rester,
mourir de faim, mourir empoisonnés, finir esclaves… Dans ce passage, ils ont
mis tout ce qu’ils possédaient, pas le choix. C’était ça ou mourir de faim,
là-bas, chez eux. 
Mais les voilà arrivés maintenant.
Devant eux s’ouvre un autre pays, fertile, riche, aux rivières profondes et aux
rives verdoyantes.
L’homme regarde sa femme, et même s’ils
n’ont plus la force de parler, leurs yeux disent le même soulagement. Ils ont
tout laissé derrière eux, mais ils ont réussi.
Pourquoi sont-ils venus dans ce pays
qui n’est pas le leur, dont ils ne connaissent ni la culture ni la langue ? 
Certainement pas pour profiter du
système de couverture sociale du pays : il n’y en a pas encore. 
Parce
que la femme, c’est Sarah et l’homme, Abraham.
Oui, le premier patriarche a été un migrant économique, poussé par la faim à
quitter son pays, comme tant d’hommes et de femmes aujourd’hui.
Gen
12.10 Il y eut une famine dans le pays ; Abram descendit en Egypte pour y
séjourner en immigré, car la famine pesait sur le pays.
Comme Adam et Eve, Caïn avant lui,
Joseph, Moïse et tant d’autres après, Abraham a été un perpétuel migrant, en
partie pour sa foi, en partie pour survivre, fuir la famine comme les frères de
Joseph, comme Ruth, fuir la violence comme Joseph et Marie…
Si nous avions été Égyptiens, quel
accueil aurions-nous accordé à Abraham et Sarah et à tous les autres ? Et s’ils
débarquaient aujourd’hui, dans notre pays, après avoir traversé la méditerranée
sur un bateau de fortune, au péril de leur vie, comme toutes ces personnes dont
nous entendons parler, chaque jour, sans les connaître ni les rencontrer, le
plus souvent ?
Pendant ce culte, nous allons nous
mettre à l’écoute de cette question : quel
appel Dieu nous adresse-t-il, à nous ses enfants, envers les migrants, les
immigrés, tous ceux que la détresse pousse à s’exiler chez nous ? Quel est
notre devoir, notre vocation envers eux ?
Nous écouterons et méditerons quelques
passages de la Bible à ce sujet, nous nous laisserons aussi interpeller par le
témoignage de Mateo, qui a travaillé auprès de personnes  migrantes à Calais et qui a une invitation à
nous adresser.
2.   Exercer l’hospitalité envers l’étranger, un
appel pour Israël : “Eux c’est vous !”
En préparant ce culte, j’ai été
interpellé par un petit livret publié en soutien à la CIMADE, une association
protestante qui travaille depuis longtemps dans l’accueil des réfugiés : “eux c’est nous”.
Eux,
c’est nous. Invitation à changer de regard sur
ceux qui arrivent, pour les considérer d’abord comme nos prochains, dans la
compassion.
Eux,
c’est vous ! Tel est le message que Dieu ne cesse
d’adresser à son peuple, envers les étrangers. Quelques versets extraits de
l’AT :
Dt 24, 19-22 : « Lorsque tu feras la
moisson dans ton champ, si tu oublies une 
gerbe au champ, ne reviens pas la chercher. Elle sera pour l'étranger,
l'orphelin et la veuve, afin que Yahvé ton Dieu te bénisse dans toutes tes
oeuvres”.
Eux,
c’est vous, dit Dieu.
 “33 Si un immigré vient séjourner
avec vous dans votre pays, vous ne l'exploiterez pas. 34 Vous traiterez
l'immigré qui séjourne avec vous comme un autochtone d'entre vous ; tu
l'aimeras comme toi-même, car vous avez été immigrés en Egypte. Je suis le
Seigneur (YHWH), votre Dieu” (Lv 19.33-34)..
Eux,
c’est vous, dit Dieu.
« Car c'est le Seigneur votre Dieu qui
est le Dieu des dieux et le Seigneur des Seigneurs, le Dieu grand, puissant et
redoutable, l'impartial et l'incorruptible, qui rend justice à l'orphelin et à
la veuve, et qui aime l'émigré en lui donnant du pain et un manteau » (Dt 10,
17-18).
Tout
au long de l’AT, Dieu se révèle comme un Dieu hospitalier, un Dieu qui
accueille le pécheur, l’étranger, le pauvre… et qui confie à son peuple la
charge de les accueillir en son nom.
Que serions-nous s’il ne nous avait pas
accueillis en Jésus-Christ, qui nous étions étrangers  à son Royaume, “sans Christ, privés du droit de cité en Israël, étrangers
aux alliances de la promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde... 13Mais
maintenant, en Jésus-Christ, vous qui autrefois étiez loin, vous êtes devenus
proches, par le sang du Christ” (Ephésiens 2.13).
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Les textes que nous venons d’entendre
expriment de façon puissante et claire un commandement d’hospitalité… et
d’amour ! Car c’est juste après ces versets du Lévitique qu’est
formulé pour la première fois le commandement : « tu aimeras ton
prochain comme toi-même »… Ce prochain, c’est donc aussi l’immigré.
Celui-ci est même présenté comme un « prochain » à aimer
particulièrement, en raison de la fragilité de sa situation, à une époque où la
famille est le principal réseau de soutien, la seule sécurité sociale. 
L’AT précise quel est le cadre défini par Dieu
pour l’accueil mais aussi l’intégration de ces immigrés au sein du
peuple hébreu. L’intégration n’est envisagée que jusqu’à un certain point
car l’appartenance pleine et entière au peuple d’Israël était conditionnée bien
sûr à des critères comme les liens familiaux, la circoncision, le respect de la
loi divine, etc. 
Mais même l’immigré qui ne pratiquait pas cela
devait faire l’objet d’un accueil et d’une protection (« vous ne
l’exploiterez pas »), au nom du Dieu hospitalier protecteur des plus
faibles : « Je suis le Seigneur, votre Dieu ». 
Le commandement porte donc d’abord sur
l’hospitalité et l’amour, avant de parler intégration,
etc. 
Ces commandements de l’Ancienne Alliance sont-ils
encore pertinents pour nous aujourd’hui, dans l’Eglise ? 
Force est de constater que Jésus, loin de les
annuler, en a même élargi le champ, par ses paroles comme par ses actes.
Notamment en Matthieu 25 où Jésus évoque l’hospitalité envers les étrangers
dans le contexte du jugement dernier. Ici, dans une parabole grandiose, Jésus
fait de l’accueil de l’étranger, avec le soin du pauvre et du prisonnier, un
critère d’authenticité de la foi pour ses disciples. 
Matthieu 25. 31-46
31Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges,
il s'assiéra sur son trône glorieux. 32Toutes les nations
seront rassemblées devant lui. Il séparera les uns des autres comme le berger
sépare les moutons des chèvres : 33il mettra les moutons à
sa droite et les chèvres à sa gauche. 34Alors le roi dira à
ceux qui seront à sa droite : « Venez, vous qui êtes bénis de mon
Père ; héritez le royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation
du monde. 35Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à
manger ; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire ; j'étais étranger
et vous m'avez recueilli ; 36j'étais nu et vous m'avez
vêtu ; j'étais malade et vous m'avez visité ; j'étais en prison et
vous êtes venus me voir. » 37Alors les justes lui
répondront : « Seigneur, quand t'avons-nous vu avoir faim, et
t'avons-nous donné à manger ? – ou avoir soif, et t'avons-nous donné
à boire ? 38Quand t'avons-nous vu étranger, et
t'avons-nous recueilli ? – ou nu, et t'avons-nous vêtu ? 39Quand
t'avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous venus te
voir ? » 40Et le roi leur répondra : « Amen, je
vous le dis, dans la mesure où vous avez fait cela pour l'un de ces plus
petits, l'un de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. » 41Ensuite
il dira à ceux qui seront à sa gauche : « Allez-vous-en loin de moi,
maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges. 42Car
j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger ; j'ai eu soif, et vous
ne m'avez pas donné à boire. 43J'étais étranger, et vous ne
m'avez pas recueilli ; j'étais nu, et vous ne m'avez pas vêtu ;
j'étais malade et en prison, et vous ne m'avez pas visité. » 44Alors
ils répondront, eux aussi : « Seigneur, quand t'avons-nous vu avoir
faim ou soif, étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, sans nous mettre à ton
service ? 45Alors il leur répondra : Amen, je
vous le dis, dans la mesure où vous n'avez pas fait cela pour l'un de ces plus
petits, c'est à moi que vous ne l'avez pas fait. » 46Et
ceux-ci iront au châtiment éternel, mais les justes, à la vie éternelle.
Accueillir les étrangers, un critère d’authenticité de la foi 
Sans aller trop loin dans le débat d’interprétation, il est important de dire d’abord que ce passage ne contredit en rien toutes les affirmations du NT sur un salut obtenu par la foi seule. Jésus ne dit pas ici que la pratique de l’hospitalité, du soin des pauvres, etc. est la condition pour être sauvé. S’adressant d’abord à ceux qui se réclament de lui, Jésus fait plutôt que ces actes d’amour concrets un critère d’authenticité de la foi, le signe d’une relation à lui qui ne s’arrête pas aux seules intentions mais qui produit des fruits d’amour concrets.
Et si le récit met en scène, de façon
puissante, le jugement dernier avec la vie éternelle pour les « justes »
et le châtiment éternel pour les autres, c’est notamment pour souligner
le caractère vital, nécessaire, de l’amour du prochain. Notamment quand il
est situation de fragilité comme le sont le prisonnier ou l’immigré. 
Comme dans l’AT, Jésus établit un lien entre
l’accueil de l’étranger… et le respect de Dieu, en allant jusqu’à affirmer que chaque
fois que l’on accueille un étranger, c’est lui qu’on accueille ! Et que ne pas accueillir c’est rejeter Dieu !
Paroles fortes, qui ne peuvent nous laisser
indifférents. 
C’est que Dieu se soucie de chacune de ses
créatures, et la compassion qui pousse à ouvrir son
cœur et à agir en faveur de l’autre fait partie de son identité. Elle
fait donc aussi partie de notre identité de chrétiens. 
De fait, c’est au nom de la compassion et de
la justice, au nom de l’amour que le Dieu hospitalier a pour toutes ses
créatures que Jésus va réaffirmer l’importance d’accueillir les étrangers en
son nom, dénonçant avec puissance la culture de son temps qui interdit les
contacts avec les étrangers. 
Chaque culture a des manières à elle d’opérer
des distinctions entre les gens dignes et fréquentables et les autres – rien
n’est plus humain hélas ! (Ex : castes en Inde, rejet des étrangers,
des musulmans, des juifs, des minorités sexuelles …).
Quelles sont nos distinctions à nous ?
Qui considérons nous comme infréquentables, indignes d’être aidés et
accueillis ? 
Concernant les questions migratoires, nous
avons tendance par exemple à distinguer les « réfugiés », qui fuient
la guerre, la dictature, la torture… des « migrants », qui fuient la
misère économique. Les premiers semblent souvent plus légitimes que les autres.
En vertu de quoi ? Pourquoi distinguer entre des personnes
pareillement forcées à fuir pour survivre ?
Jésus n’a cessé de condamner ce type de
séparations qui ferment les cœurs à l’amour du prochain. Il a interpelé vivement les religieux qui interdisaient l’accès au
Temple, donc à Dieu, aux étrangers, notamment en leur donnant comme modèle
d’amour… un samaritain, donc un étranger d’une autre religion, que son
peuple détestait[1].
 
Jusqu’à ce passage de Matthieu où Jésus
fait donc du non-accueil de l’étranger un motif de jugement : « J’étais
étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ».
L’hospitalité, acte de justice et témoignage d’amour pour Dieu et pour
le prochain 
De quel accueil parle Jésus ici ? Le
terme grec employé, qui a aussi donné le mot « synagogue » renvoie
à la relation plus qu’au service rendu, avec sa racine « sun », avec.
Il s’agit de « prendre à l’intérieur », de prendre avec, de faire
entrer – d’où les traductions « vous m’avez recueilli ». C’est
donc bien d’hospitalité qu’il est question, les premiers chrétiens le
comprenaient d’ailleurs comme cela. Il est frappant de voir l’importance du
sujet chez les Pères de l’Eglise, pour qui l’Évangile était indissociable de l’hospitalité envers les étrangers. Ainsi St Augustin qui écrit :
« Sachez être hospitaliers ; c’est grâce à l’hospitalité que des hommes sont parvenus
à Dieu. Tu reçois un hôte, dont tu es, toi aussi, le compagnon sur le chemin, car nous sommes
tous pèlerins. Il est chrétien, celui qui reconnaît qu’il est pèlerin même en sa demeure et dans sa patrie »[2]. 
Fait intéressant, le terme hospitalité vient
du grec philoxenia qui signifie littéralement « amour
des étrangers ». De plus, la Parole associe pleinement l’hospitalité à
la justice, très liée à la cause du malheureux qui vit au sein du peuple
de Dieu, aux « droits inviolables » (Am 2.7) du pauvre, de
l’étranger, de la veuve et de l’orphelin. 
L’hospitalité est aussi liée à l’amour et
au culte rendu à Dieu. De telle sorte, que sans hospitalité, le
culte est faux et la vie spirituelle sans valeur. N’est-ce pas ce que
Dieu, par la bouche d’Ésaïe, a reproché à son peuple ? « Vous ne jeûnez
pas comme le veut ce jour […] Voici le jeûne auquel je prends plaisir :
[…] partage ton pain avec celui qui a faim, et fais entrer dans ta maison les
malheureux sans asile ; si tu vois un homme nu, couvre-le, Et ne te détourne
pas de ton semblable. » (58.4-7 ; 1.12-17). 
L’Écriture ne fait donc pas de l’hospitalité un
concept, mais un acte d’amour concret, une question de cohérence, d’obéissance
et d’identité : l’Église accueillie en Christ, habitée par l’Esprit
devient le foyer où l’étranger est honoré en tant que personne, et où il peut
découvrir l’hospitalité de Dieu en Jésus-Christ, et avec elle le chemin de la
vraie patrie, le Royaume de Dieu. 
En pratique : eux… c’est Lui ! « c’est à moi que vous
l’avez fait »
Aujourd’hui, il est difficile de trouver des
maisons disposées à ouvrir ainsi leurs portes. Chacun d’entre nous y réfléchit
à deux, voire trois, quatre fois… avant d’accueillir un inconnu : le monde
est si dangereux ! 
L’indifférence et l’individualisme, propres
à notre société, nous rendent très difficile la compréhension de l’hospitalité,
la façon dont elle pourrait et devrait se vivre.
Que faire, du coup ? Est-ce qu’il nous
faut changer radicalement et accueillir chez nous les migrants, les
réfugiés ? Certains le font, qui hébergent des familles, des mineurs
isolés.
Bien sûr la question est complexe et relève
avant tout de la responsabilité de chacun. 
A chacun de faire ce qui lui est possible, en
sachant que nous ne sommes pas responsables de tous ceux qui souffrent dans
le monde ni forcément coupables envers eux. Ces problématiques planétaires
nous dépassent, largement. C’est pourquoi il est pertinent de soutenir aussi
les associations compétentes.  
Mais à notre niveau individuel, nous
avons une responsabilité d’accueil
envers nos prochains, ceux que Dieu place sur notre route et nous
confie, avec un certain ordre de priorité : notre famille, nos frères et sœurs
dans la foi…puis ceux qui, poussés par le besoin frappent à notre porte. 
Accueillir commence par le regard porté, la
considération que nous accordons à l’autre : notre devoir de chrétien est
d’abord de résister à la stigmatisation, de ne pas laisser les
discours négatifs et souvent mensongers du monde façonner le regard que nous
portons sur les immigrés. Les discours de rejet, de peur, de
criminalisation que beaucoup alimentent à des fins politiques. 
Ces discours sont contraires à celui de la
Parole de Dieu : mettons les à distance ! Cherchons la vérité des faits et des cœurs.
Jésus
nous appelle à regarder chacun comme une personne digne de respect, avec un
potentiel, des ressources, des dons à offrir… 
Accueillir 
c’est aussi être attentifs, nous intéresser à tous les gens que
Dieu met sur notre route… et cela commence dans l’Eglise où des frères
et sœurs immigrés séjournent déjà parmi nous ! (accueil
= aller s’intéresser à l’autre). 
Osons, ensuite, ouvrir nos maisons,
ouvrir les maisons que Dieu nous accorde, pour que nous en fassions un usage
qui le glorifie ! 
Allons au-delà de nos préjugés pour voir les
prochains qui sont là, sans naïveté, sans idéalisme … et sans crainte, car
c’est avec Dieu et en son nom que nous irons vers eux. 
Au final, si « eux c’est nous »,
c’est aussi parce que nous, chrétiens, sommes aussi des migrants dans ce monde.
« Des gens de passage et des étrangers sur cette
terre », écrit Pierre. Ne l’oublions pas, et restons ouverts aux humains
que Dieu place sur notre route, sans discrimination, pour les accueillir… et
par là-même, accueillir le Seigneur. 
 « 38Quand
t'avons-nous vu étranger, et t'avons-nous recueilli ? – ou nu, et
t'avons-nous vêtu ?  40le roi leur répondra : « Amen, je
vous le dis, dans la mesure où vous avez fait cela pour l'un de ces plus
petits, l'un de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. » 
Amen
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