Prédication du 21 septembre 2025 - « Développer une vie de prière » - Genèse 3.1-24 : "Où es-tu ?" La prière, un dialogue restauré

 




« Développer une vie de prière. »
Voilà le fil rouge que le conseil de notre Église a choisi pour cette année – un thème qui traversera nos prédications, notre week-end d’Église en octobre, et nos rendez-vous spirituels. Une belle ambition, une sainte aspiration

Mais cela n’a rien à voir avec la recherche d’une performance spirituelle – prier « mieux ». C’est plutôt une invitation à redécouvrir un chemin, celui qui mène à la présence de Dieu.

La prière, au fond, qu’est-ce que c’est ? Un acte universel : la majorité des humains prie, c’est un acte ancré au plus profond de notre être. Pourtant, toutes les prières ne se ressemblent pas. Pour nous, chrétiens, la prière est d’abord un dialogue avec Dieu.

Mais pour comprendre ce dialogue, pourquoi ne pas remonter à son origine ? Cela nous amène dans le livre de la Genèse, où le dialogue commence à l’initiative de Dieu par une question : « où es-tu ? ».

Ecoutons ensemble Genèse 3.1-23. On se trouve juste après le récit de la création, qui décrit quelle harmonie règne entre Dieu et ce qu’il a créé. Mais voilà qu’un drame va se produire...

Genèse 3. 1-23

1Le serpent était le plus rusé de tous les animaux sauvages que le Seigneur avait faits. Il demanda à la femme : « Est-ce vrai que Dieu vous a dit : “Vous ne mangerez d'aucun fruit du jardin” ? » 2La femme répondit au serpent : « Nous pouvons manger les fruits du jardin. 3Mais pour les fruits de l'arbre qui est au centre du jardin, Dieu nous a dit : “Vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez pas, de peur d'en mourir.” » 4Le serpent répliqua : « Pas du tout, vous ne mourrez pas ! 5Mais Dieu le sait bien : dès que vous en aurez mangé, vous verrez les choses telles qu'elles sont, vous serez comme lui, capables de savoir ce qui est bon et ce qui est mauvais. »

6La femme vit que les fruits de l'arbre étaient agréables à regarder, qu'ils devaient être bons et qu'ils donnaient envie d'en manger pour devenir plus intelligent. Elle en prit un et en mangea. Puis elle en donna à son mari, qui était avec elle, et il en mangea, lui aussi. 7Alors ils se virent tous deux tels qu'ils étaient, ils se rendirent compte qu'ils étaient nus. Ils attachèrent ensemble des feuilles de figuier, et ils s'en firent chacun une sorte de pagne.

8Le soir, quand souffle la brise, l'homme et la femme entendirent le Seigneur se promener dans le jardin. Ils se cachèrent de lui au milieu des arbres. 9Le Seigneur Dieu appela l'homme et lui demanda : « Où es-tu ? » 10L'homme répondit : « Je t'ai entendu dans le jardin. J'ai eu peur, car je suis nu, et je me suis caché. » – 11« Qui t'a appris que tu étais nu, demanda le Seigneur Dieu ; aurais-tu mangé du fruit de l'arbre que je t'avais défendu de manger ? » 12L'homme répliqua : « C'est la femme que tu m'as donnée pour compagne ; c'est elle qui m'a donné ce fruit, et j'en ai mangé. »

13Le Seigneur Dieu dit alors à la femme : « Pourquoi as-tu fait cela ? » Elle répondit : « Le serpent m'a trompée, et j'ai mangé du fruit. » 14Alors le Seigneur Dieu dit au serpent :« Puisque tu as fait cela, je te maudis. Seul de tous les animaux tu devras ramper sur ton ventre et manger de la poussière tous les jours de ta vie.

15Je mettrai l'hostilité entre la femme et toi, entre sa descendance et la tienne.

La sienne t'écrasera la tête, tandis que tu lui détruiras le talon. »

16Le Seigneur dit ensuite à la femme :« Je rendrai tes grossesses pénibles, tu souffriras pour mettre au monde tes enfants.

Tu te sentiras attirée par ton mari, mais il dominera sur toi. »

17Il dit enfin à l'homme : « Tu as écouté la voix de ta femme et tu as mangé le fruit que je t'avais défendu. Eh bien, à cause de toi, le sol est maintenant maudit.

Tu auras beaucoup de peine à en tirer ta nourriture pendant toute ta vie ;

18il produira pour toi des épines et des ronces.

Tu devras manger ce qui pousse dans les champs ;

19tu gagneras ton pain à la sueur de ton front, jusqu'à ce que tu retournes à la terre d'où tu as été tiré.

Car tu es poussière, et tu retourneras à la poussière. »

20L'homme, Adam, nomma sa femme Ève, c'est-à-dire “vivante”, car elle est la mère de tous les vivants. 21Le Seigneur fit à l'homme et à sa femme des vêtements de peaux de bête et les en habilla. 22Puis il se dit : « Voilà que l'être humain est devenu comme un dieu, pour ce qui est de savoir ce qui est bon et ce qui est mauvais. Il faut l'empêcher maintenant d'atteindre aussi l'arbre de la vie ; s'il en mangeait les fruits, il vivrait pour toujours. » 23Le Seigneur Dieu renvoya donc l'être humain du jardin d'Éden, pour qu'il cultive le sol dont il avait été tiré. 24Puis, après l'en avoir expulsé, le Seigneur plaça des chérubins à l'est du jardin d'Éden avec une épée flamboyante et tourbillonnante pour garder l'accès de l'arbre de la vie.

 

Le Dieu offensé… à l’initiative du dialogue.

C’est dans un langage poétique plein d’images et de symboles que nous est raconté ce mystérieux événement qu’on appelle la chute.

On croit souvent connaitre ce récit… mais notez par exemple l’absence de pomme et de feuilles de vigne ! Il y aurait beaucoup à dire, retenons l’essentiel : cet acte de désobéissance soufflé par le serpent qui rompt l’harmonie entre Dieu et les humains. Eux qui vivaient en communion avec leur créateur choisissent de lui désobéir, ce qui les plonge dans la confusion, le doute, la honte, la peur, le besoin de se cacher.

« Ils entendirent le Seigneur Dieu se promener dans le jardin à la brise du jour, et ils se cachèrent. » (v.8)

Ils se cachent. Pas seulement derrière des arbres, mais derrière des mots, des excuses, des feuilles de figuier cousues à la hâte pour couvrir leur nudité, leur vulnérabilité, leur vérité.

Et c’est là, dans ce silence lourd de honte, que résonne la première question de Dieu à l’homme :

« Où es-tu ? »

Le texte ne dit pas si Dieu dialoguait avec les humains avant. Ce qui est sûr, c’est que le dialogue qui commence ici est initié par le Dieu même qui a été offensé !

C’est déjà un encouragement pour nous qui nous pensons souvent qu’il nous faut attendre d’être au mieux avec Dieu pour le prier. Au contraire !

« Où es-tu ? »

Cette question n’est pas une demande d’information. Dieu sait où ils sont. Il sait où nous sommes.

C’est une question d’amour, une question qui ouvre, une question qui appelle.

Et dans cette question, c’est la grâce de Dieu qui s’exprime, Dieu qui ne condamne pas d’emblée mais appelle, cherche, attend une réponse.

La prière, c’est entendre cette question, « Où es-tu ? », et oser y répondre.

Pas avec des formules toutes faites, mais avec ce que nous sommes, là où nous en sommes.

Adam répond : « J’ai eu peur. Je me suis caché. » Ève dit : « Le serpent m’a trompée. »

Ce sont des réponses vraies. Et c’est cela que Dieu attend de nous : pas la perfection, mais l’authenticité.

La prière : un dialogue restauré

Où es-tu ?

Par cette question, Dieu vient aussi contrecarrer le plan de division de Satan. Certes le serpent a réussi à jeter le soupçon sur Dieu, sur qui il est vraiment, sur ses véritables intentions envers l’humanité. Peut-être sait-il combien la prière dépend de l’image que l’on se fait de Dieu. En faisant douter Adam et Eve des intentions de leur créateur, Satan a troublé leur prière…

Alors Dieu vient rétablir l’ordre et dissiper la confusion, afin de restaurer le dialogue : « où es-tu ? » ; « pourquoi as-tu fait cela ? ».

Il prononce alors des paroles de jugement, qui sont nécessaires pour restaurer le lien : en effet juger, c’est séparer, trier ce qui est bon de ce qui est mauvais. En prononçant son jugement, Dieu dissipe la confusion entre le bien et le mal, la mort et la vie, ce qui permet aux humains de retrouver le chemin.

Même si les conséquences du péché sont terribles, dans la sentence même, Dieu annonce l’Evangile : « 15Je mettrai l'hostilité entre la femme et toi, entre sa descendance et la tienne. La sienne t'écrasera la tête, tandis que tu lui détruiras le talon. »

Annonce de la venue du Christ, qui écrasera le mal en donnant sa vie.

L’espérance est donc présente, le dialogue pas totalement rompu. Dieu lui-même habille l’humanité, il ne l’abandonne pas… Mais celle-ci va porter la responsabilité des conséquences de son péché. La souffrance entre dans le monde, dans leurs corps… …Plus d’harmonie au sein du couple, le péché va pousser l’homme à vouloir dominer la femme…

Les humains sont chassés du jardin, mis à distance de Dieu conformément au choix qu’ils ont fait – décider à sa place de ce qui est bien ou mal.

Et c’est désormais depuis ce lieu éloigné, ce lieu d’exil que nous prions tous.

 

A la recherche de la communion perdue

Voilà sans doute une des raisons pour lesquelles prier est à la fois si naturel et si difficile : nous sommes faits pour être en communion avec Dieu par la prière… mais nous vivons hors du jardin.

Du coup, nous sommes tiraillés : à cause du péché, nous redoutons nous aussi la présence de Dieu… et pourtant nous aspirons à la communion avec lui, elle nous manque – le fameux « vide en forme de Dieu » dont parlait Blaise Pascal. Nous avons profondément besoin de communion avec lui pour être heureux, ancrés, en sécurité intérieure. Nous savoir pleinement aimés tels que nous sommes, et jusque dans notre vulnérabilité, en pleine confiance …

De fait, quelqu’un a dit que la prière, c’est se tenir sans protection devant Dieu, nu[1]. Nous ne savons plus vivre cela sans trembler. Il me semble que beaucoup de nos résistances, de nos difficultés à prier, viennent de là, de notre difficulté à être regardés par Dieu.

Beaucoup d’entre nous ne se sentent « pas assez » devant Dieu… pas assez saints, sérieux, consacrés… 

La prière chrétienne : Dieu nous permet de sortir des buissons

C’est là que la prière chrétienne, la prière « au nom de Jésus » fait toute la différence.

Parce que Dieu a tenu sa promesse, qu’un descendant d’Eve a bien écrasé le serpent : Jésus-Christ qui par sa mort et sa résurrection a réouvert pour nous l’accès au jardin, à la présence de Dieu. La lettre aux Hébreux dit ainsi que « nous avons la liberté d'entrer dans le lieu très saint grâce au sang du sacrifice de Jésus. 20Il nous a ouvert un chemin nouveau et vivant... ». Par la foi en lui, nous pouvons nous approcher de Dieu en pleine confiance, sans honte, sans feuilles de figuier, grâce à ce qu’il a obtenu pour nous sur la croix. 

C’est le sens de la formule « au nom de Jésus » à la fin de nos prières.

En Christ, d’une façon totalement indépendante de qui nous sommes, de ce que nous avons fait, Dieu a décidé librement de nous réconcilier avec lui en effaçant ce qui nous salissait.

Alors pourquoi retourner dans les buissons et ressortir les feuilles de figuier ? 

De quoi avons-nous peur ? Encore une fois, notre rapport à la prière va dépendre de l’image que nous nous faisons de Dieu :  un juge sévère ? Un père distant ? Ou celui qui, en Christ, a effacé nos péchés et se réjouit de dialoguer avec nous, dans une communion retrouvée ?

Où es-tu ? Un appel à prier

Oui Dieu nous appelle à parler avec lui : « où es-tu ? ».

Où sommes-nous ? Ailleurs, si souvent ! Trop occupés, trop agités. Les pensées vagabondes. C’est vrai. Cela ne décourage pas Dieu.

Et si nous commencions par nous poser une minute devant lui, sans parler ?

Se précipiter à parler, pour demander notamment, ça peut être une façon de fuir le face à face.

Un défi : se poser une minute par jour devant Dieu sans parler pour prendre conscience d’où nous sommes et de qui est là. Qui est ce Dieu qui est là. Qui est-il pour moi.

Peu à peu, la prière deviendra un espace de confiance, d’abandon, un « safe place ».

Oui Seigneur, que ton amour guérisse nos cœurs et donne un nouveau souffle à notre dialogue avec toi.

Comme le dit une ancienne prière orthodoxe, « ôte le voile de nos yeux, donne-nous cette confiance, que nous ne soyons pas honteux ou gênés, ne nous laisse pas nous mépriser »[2]. 

Amen

Questions

  1. Y a-t-il des peurs, des doutes, des culpabilités… qui m’empêchent de prier librement ?
  2. Et si je tentais le défi « 1 minute de silence » cette semaine ?

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Pour échanger en petits groupes

Genèse 3.1-24 – « Où es-tu ? »

La prière comme dialogue restauré

 

Voici quelques idées pour explorer à plusieurs comment ce passage éclaire notre vie de prière. Les questions sont là pour stimuler le partage.

Pourquoi ne pas commencer par un temps de silence ? Fermer les yeux, se laisser rejoindre par cette question de Dieu : ‘Où es-tu ?’ »

 

Ecoute du texte (10 min)

Méthode : Lecture lente et partagée (chaque participant lit 2-3 versets à tour de rôle.

  • Consigne : « Pendant la lecture, soyez attentifs à :
    • Un mot ou une image qui vous touche.
    • Une question que ce texte soulève peut-être en vous.
    • Un lien avec votre vie de prière. »

(Après la lecture, 2 min de silence pour noter ses impressions.)

Partage : ceux qui le souhaitent partagent ce qui les a touchés et pourquoi

 

Questions pour aller plus loin ensemble

1.      Adam et Ève se cachent après leur désobéissance. Quelles sont vos ‘cachettes’ à vous ? Qu’est-ce qui vous pousse à éviter la prière ou à vous en protéger ? » (Exemples possibles : la honte, le sentiment d’indignité, la peur du silence, l’agitation, la culpabilité…)

2.      Le texte dit qu’ils cousent des ‘feuilles de figuier’ (v. 7). Quelles sont vos ‘feuilles de figuier’ – ces choses que vous utilisez pour ‘couvrir’ votre vulnérabilité devant Dieu ?

3.      Au verset 21, Dieu habille Adam et Ève avec des ‘vêtements de peau’. Comment cette image de Dieu qui ‘couvre’ nos manques peut-elle changer notre façon de prier ?

4.      Le ‘proto-Évangile’ (v. 15) annonce que la descendance d’Ève écrasera le serpent. En quoi cette promesse peut-elle nous donner de l’audace dans la prière ? 





[1] Timothy Radcliffe et Lukasz Popko, Interroger Dieu, CERF, p.29

[2] Interroger Dieu, p.30

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