Prédication du 7 décembre 2025 - Luc 1. 46-55 - Le magnificat : entrer dans la joie de Dieu





« Dieu avec nous ». En ce temps de l’Avent, nous méditons ce que signifie cette belle formule biblique, dans la double perspective de Noël et du retour du Christ. Dans le passage que nous allons méditer aujourd’hui, Luc donne la parole à celle qui fut le premier témoin de la venue de Jésus-Emmanuel, Dieu avec nous : Marie, la mère de Jésus.

Marie vient d’apprendre qu’elle a été choisie pour porter le Messie, d’une façon miraculeuse.

Suite à cette nouvelle bouleversante, Marie part chez sa parente Élisabeth qui, inspirée par le Saint Esprit, lui confirme son élection (Luc 1.42-45) : « Dieu t'a bénie plus que toutes les femmes et sa bénédiction repose sur l'enfant que tu portes ! 43Qui suis-je pour que la mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi ? 44Car, vois-tu, au moment où j'ai entendu ta salutation, l'enfant s'est mis à bondir de joie dans mon ventre. 45Tu es heureuse : tu as cru que le Seigneur accomplira ce qu'il t'a annoncé ! »

Un chant de louange et de joie s’élève alors de la bouche de Marie, un passage devenu célèbre sous le nom de « Magnificat » - titre inspiré par les premiers mots : « Je magnifie le Seigneur », je dirai la grandeur du Seigneur.

 

46Marie dit alors :

« De tout mon être je dirai la grandeur du Seigneur,

47mon cœur déborde de joie à cause de Dieu, mon sauveur !

48Car il a porté son regard sur l'abaissement de sa servante.

Oui, dès maintenant et en tous les temps, les humains me diront bienheureuse,

49car celui qui est puissant a fait pour moi des choses magnifiques.

Il est le Dieu saint, 50il est plein de bonté de génération en génération

pour ceux qui reconnaissent son autorité.

51Il a montré son pouvoir en déployant sa force :

il a mis en déroute ceux qui ont le cœur orgueilleux,

52il a renversé les puissants de leurs trônes

et il a élevé les humiliés au premier rang.

53Il a comblé de biens ceux qui avaient faim,

et il a renvoyé les riches les mains vides.

54Il est venu en aide à Israël, le peuple qui le sert :

il n'a pas oublié de manifester sa bonté

55envers Abraham et ses descendants, pour toujours,

comme il l'avait promis à nos ancêtres. »

56Marie resta avec Élisabeth pendant environ trois mois, puis elle retourna chez elle.

En préparant, j’ai lu cette phrase enthousiaste d’un commentateur : « splendide, le fleuve de joie qui traverse ce psaume ! ». 

Et en effet, ce passage joyeux si souvent chanté et prié dans l’Eglise chrétienne est bien d’un bout à l’autre un psaume, c’est-à-dire une prière… juive, composée à partir des textes de l’AT, notamment la prière d’Anne après la naissance de Samuel (1 Samuel 2.1-10).

Et c’est un chant de joie profonde : « 47mon cœur déborde de joie à cause de Dieu, mon sauveur ! ». Terme très fort dans la langue originale.

Qui n’a pas envie d’être heureux comme cela, d’être rempli d’une telle joie ? En même temps, une question : comment cette fille enceinte hors mariage, et donc menacée de perdre son fiancé et d'être mise au ban de la société, peut-elle « éclater d’allégresse ! » ?

La réponse est donnée par Elisabeth : « heureuse celle qui a cru ». Pour nous, Marie est un exemple de foi. Marie qui se souvient des promesses de Dieu, qui les voit s'accomplir, qui accepte d'être choisie par Dieu et de participer à son plan mystérieux, qui accepte de porter les œuvres de Dieu - Marie entre ainsi dans la joie de Dieu. E

t sans rien nier de nos convictions de bons protestants, nous pouvons aussi reconnaître que cette jeune fille, par sa foi, nous montre aussi le chemin pour entrer à notre tour dans cette joie.

La joie de Marie nait donc d’abord de sa foi en Dieu.

Une foi qui se déploie en plusieurs dimensions ici.

D’abord, à l’échelle de son peuple : dans ce chant, Marie se réjouit de ce que Dieu accomplisse ses promesses envers ses ancêtres.

Les nombreuses reprises de textes de l’At dans ce cantique révèlent une connaissance profonde des Ecritures, qui permet aussi une largeur de regard, une profondeur historique. Comme tous les juifs pieux de son époque, Marie connait les promesses de Dieu dans l’histoire – « comme il l’a promis à nos pères », ce qui lui permet de voir l’accomplissement des prophéties qui commence à s’opérer.

Toute sa vie, Marie restera cette femme de mémoire et de réflexion. D'abord elle gardera toute sa vie dans son corps la marque de cette première grossesse extraordinaire. Et on la trouvera aussi plusieurs fois en train de « repasser dans son cœur » ce que Dieu aura fait, pour le méditer.

Que son exemple nous inspire et nous motive nous aussi à nourrir notre pensée de la Bible, et en même temps à prendre le temps de nous arrêter régulièrement, pour voir à la lumière de sa Parole ce que Dieu est en train d'accomplir, et le louer pour cela, comme le fait Marie.

Sinon, nous pourrons avoir tendance à rester dans nos ornières. Seule la lecture de la Bible peut nous donner la hauteur nécessaire pour garder l'espérance. Elle nous donne le point de vue de Dieu sur les choses, c'est vital. Et de solides raisons de nous réjouir !

                         

Autre dimension de sa foi : la conscience d’être au bénéfice d’une grâce qui la dépasse et qu’elle ne mérite pas : « Dieu a porté son regard sur l'abaissement de sa servante » en la choisissant pour donner naissance au Messie.  

Et cela aussi la remplit de joie !

Marie est heureuse aussi d’avoir été choisie, repérée par Dieu, pour participer à son œuvre de salut.

Pourquoi elle ? Bien sûr, le mystère ici est entier. Cela relève de la souveraineté de Dieu.

Un élément : Marie appartient au peuple de Dieu, et il était nécessaire que le Messie appartînt au Peuple élu, et à la lignée de David (ici, par son père Joseph).

Mais cela reste quand même une décision de pure grâce de la part de Dieu.

Et quelle belle surprise pour Marie ! Non seulement Dieu la connaît personnellement, il la connaît en profondeur jusque dans les recoins les plus intimes, il la connaît « par son nom » (« n'aie pas peur, Marie ») mais en plus il l’aime et veut son bien.       

On voit aussi que Marie fait preuve d’une grande humilité devant Dieu, et cela lui permet d'être disponible à ce qu'il lui demande, et de s'en réjouir, parce qu'elle ne s'attendait pas à recevoir de l'honneur de sa part ! « Il a porté les regards sur l'abaissement de son esclave/sa servante », dit-elle. 

Ce regard de grâce suffit à la réjouir !

Mais Marie fait partie de ceux qui ont « faim et soif de justice », et attendent tout du Seigneur.

Difficile de nier la portée sociale et politique des v. 52-53.

Dans les années 1960-70, ce texte a été souvent cité par les « théologiens de la libération », un courant né en Amérique latine en réponse aux situations d’injustice sociale, de pauvreté extrême et d’oppression politique. Un mouvement radical qui a cherché à articuler la foi chrétienne avec la lutte politique pour la justice sociale et la libération des opprimés.

Ce mouvement a été dénoncé pour ses excès, pour ses liens avec le marxisme. Mais l’élan demeure : le Magnificat n’est pas seulement un beau texte, c’est un appel à participer à l’œuvre de Dieu. Comment pouvons-nous, comme Marie, parler et agir pour plus de justice, plus de solidarité, moins d’exploitation – et le faire comme une anticipation et une proclamation du Royaume à venir ?

Il appartient à chacun de nous de réfléchir à ce qu’il peut faire. Mais à la lumière de ce passage, il me semble que le chemin du disciple commence par cette reconnaissance de notre petitesse devant Dieu, pour accueillir sa grâce… et sa joie !

Les v. 52 à 53 parlent ainsi de puissants que Dieu descend de leurs trônes, de riches renvoyés les mains vides…

L’orgueilleux, celui qui pense ne pas avoir besoin de Dieu, est renvoyé les mains vides.

Celui qui fonde son assurance, sa sécurité sur ses biens matériels aura plus de mal à ouvrir pleinement son cœur à Dieu.

Car Dieu ne peut remplir ceux qui sont pleins d’eux-mêmes. 

Mais celui qui se sait pauvre et attend son salut de Dieu avant tout… celui là sera élévé par le Seigneur.  C’est le cœur de l’Evangile : Dieu ne se mérite pas, ne se conquiert pas. On ne peut s’élever vers lui ; au contraire, c’est lui qui « porte les regards sur l'abaissement de son esclave »/ sa servante. C'est lui qui déverse dans les cœurs assoiffés un amour et une joie qui ne dépendent pas des circonstances.

Dieu ne s’approche, ne peut s’approcher que de celui qui est pauvre intérieurement, c’est-à-dire conscient de son vide, de son indignité.

Celui qui est conscient qu’il n’a rien à faire valoir. Qui attend de Dieu d’être rempli.

Dieu veut nous associer à l’établissement de son royaume de justice et d’amour dans ce monde, mais il nous faut pour cela renoncer à être nous-mêmes le roi de notre vie, descendre de notre trône et rejoindre les « pauvres »… afin que Dieu réoriente nos vies, comme il l’a fait pour Marie – lui accordant une joie nouvelle ! 

Peut-être vous partie de ceux que Dieu a renversés pour ensuite les relever.

Certes, dans un premier temps, être renversé, abaissé… ne réjouit personne ! Ce n'est qu'ensuite que l'on comprend que cela peut aussi nous conduire à la joie.

Cette joie d'être ainsi trouvé par Dieu, arrêté comme Paul sur le chemin de Damas et relevé par l'amour de Jésus. Cette joie d'avoir été trouvée par Dieu que ressent Marie.      

Heureuse de voir les promesses de Dieu s'accomplir, heureuse de se savoir incluse dans ce beau plan de salut de Dieu qui la dépasse, heureuse aussi d'être choisie par Dieu, remarquée par Lui, aimée par Lui... Marie entre donc dans la joie du Seigneur.

Consciente de son besoin de Dieu, Marie s’identifie aux « humiliés » du monde, qui attendent que Dieu les délivre.

Marie ne sait donc pas encore quelle forme prendra cette délivrance venue de Dieu, et certainement elle est loin d’imaginer le rôle que son fils jouera dans l’irruption du Royaume de Dieu, et tout ce qu’il accomplira. Jésus même n’est pas nommé dans ce chant qui, pourtant, parle de lui.

Marie n’a pas encore vu Dieu agir pleinement… pourtant elle est déjà heureuse, parce qu’elle a confiance dans son Seigneur.

Qu'en cette période des fêtes, en repassant dans notre cœur ce que Dieu a fait dans l'histoire de son peuple, de son Eglise, et dans la nôtre, nous puissions exulter de joie ! Et puiser l'espérance à sa source, dans la personne de Jésus-Christ. Lui qui est Dieu s’est abaissé pour venir dans la fragilité d’un nourrisson, il a confié sa vie aux mains inexpérimentées de Marie…

A notre tour, descendons de nos trônes, renonçons à maîtriser les choses et les gens, et confions lui nos vies, avec foi et confiance, avec un cœur de pauvre… Alors nous pourrons recevoir sa joie, et dire avec Marie : «  le Puissant a fait pour moi de grandes choses ». ; 47mon cœur déborde de joie à cause de Dieu, mon sauveur !

Amen

 

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